« Afin de garantir à ses clients chasseurs un plaisir de chasse inégalé, nous redoublons chaque jour d’efforts pour fournir un Gibier (faisans, perdrix, cailles, canards et lièvres) aux qualités irréprochables tout en conservant un prix optimal », voici les termes de la Faisanderie Veyret, nous retrouvons la même idée présentée par l’élevage de gibiers les Chataîgniers qui, quant à lui précise, « De par la taille de notre élevage, nous sommes à même de vous fournir un gibier de format et de souches homogènes »…
Quand l’homme devient le producteur de sa propre machination meurtrière.
La chasse et ses acteurs se revendiquent comme les saints patrons de la nature. Une nature qui selon eux, n’est pas capable de s’équilibrer et qu’en tant que protecteurs, ils viendraient à la rescousse de l’agriculture comme régulateurs en réduisant certaines espèces dites invasives. Or, nul ne peut ignorer que les espaces naturels de notre faune sont fragilisés par un territoire quadrillé où des voies structurantes, ferroviaires et routières, ont bloqué les corridors naturels, les transformant en pièges mortels et conduit à une diminution démographique de la faune sauvage. De la même façon, la suppression des haies, le débroussaillement intensif des sous-bois, privant les animaux d’habitat et de protection concourent à la diminution drastique des populations d’animaux sauvages.
Les chasseurs ont trouvé la parade : L’élevage de gibier. Cela consiste pour certaines espèces à être élevées en captivité dans des conditions qui ne correspondent aucunement à leurs besoins biologiques, pour qu’une fois arrivés à maturité, les animaux concernés soient lâchés dans la nature pour y être chassés. Les chasseurs différencient le gibier reproducteur qui est remis en nature au printemps pour qu’il puisse se reproduire à l’état naturel, le gibier de repeuplement lâché l’été et enfin le gibier relâché en période de chasse. Évidemment ces diverses qualifications usurpent la réalité que les animaux vivent, ne sont que des tentatives de justification d’une pratique qui ne contribue pas du tout à retrouver les équilibres naturels rompus par l’activité humaine. Ces animaux d’élevage sont en grande majorité lâchés à l’ouverture de la saison ou seulement quelques mois avant ce qui ne permet ni la réhabilitation ni la reproduction des dites espèces. D’ailleurs, nombreux sont les animaux tirés quasiment au sortir de la caisse de relâchement. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) confirme dans un rapport de 2016 que « les mortalités liées à la chasse ont généralement lieu dans les heures et jusqu’à quelques jours suivant les lâchers » et « La mortalité, favorisée par l’inadaptation de ces oiseaux à peine lâchés à l’environnement entraîne aussi une prédation importante et rapide par des carnivores ou des rapaces ». N’importe qui s’étant promené en forêt aux périodes de chasse a pu voir ces faisans ou ces perdrix se promener tranquillement, sans peur de l’humain ou d’autres prédateurs, être les cibles peu mouvantes offertes au tir des chasseurs.
Mise à part le fait que ces animaux posent de sérieuses questions sanitaires comme des risques de contamination accrus de grippe aviaire, il est nécessaire aujourd’hui d’en finir avec les aberrations d’une chasse quoiqu’on en dise inutile tant du point de vue d’une soi-disant régulation que d’un point de vue alimentaire et bien au contraire nuisible à la nécessaire régénération de la nature, nuisible à la sécurité sanitaire des espèces naturelles, nuisible à la pacification du rapport entre les êtes humains et leur environnement naturel, entre les humains et les autres espèces animales pour le partage de leur habitat commun.
La France se positionne à la 1ère place en matière d’élevage de faisans et de perdrix. En effet, les chiffres parlent : ce n’est pas moins de 30 millions d’animaux qui sont élevées chaque année parmi lesquels des faisans (14 millions), des perdrix grises et rouges (5 millions) et également aussi des colverts, des lièvres, des sangliers et même des cerfs. Récemment, Jean-Christophe Chastang, président du SNPGC (Syndicat des producteurs de gibier de chasse) énonçait avec fierté que les éleveurs de gibier sont « l’un des fleurons de l’élevage français ». Avec un chiffre d’affaires de 150 à 200 millions d’euros pour 30 millions d’animaux par an, la France est championne d’Europe.
En 2018, ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) a enquêté au sein de neuf fermes à travers la France produisant un dossier de terrain. Ce dossier révélait alors que si à l’état naturel, faisans et perdrix cohabitent à deux à trois couples à l’hectare, dans les élevages, ils sont confinés dans des espaces de 2,5 m². Les images tournées par l’ASPAS s’attardent sur l’anneau nasal des perdrix. Pour fixer ces dispositifs on perce le bec de l’oiseau qui pousse autour formant des excroissances, sur certains faisans on installe des « couvre bec » pour éviter que les animaux rendus agressifs par la concentration ne s’attaquent. De même, les poussins vivent dans l’obscurité complète leurs premières semaines. Thierry Coste alors porte-parole de Fédération nationale de la chasse rétorquait sans gêne que « Les conditions sont forcément bonnes puisque contrairement aux élevages alimentaires, l’objectif est de pouvoir ensuite relâcher des bêtes capables de courir, voler, se déplacer librement ». Ledit dossier de l’ASPAS précise alors que « 6 à 8 millions d’animaux provenant d’élevage sont tués chaque année à la chasse, soit un quart des animaux tués à la chasse » selon une enquête déclarative de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) et de la FNC (Fédération Nationale des Chasseurs) réalisée sur la saison 2013/2014. Autrement dit 1 animal sur 4 proviendrait d’un élevage.
Récemment, l’association L-214 et Pierre Rigaux ont également pu sortir des images d’un élevage d’animaux pour la chasse situé à Missé dans les Deux-Sèvres appartenant à Gibovendée, ils décrivent « une vue de drone permet se rendre compte de la dimension du site de Missé : des dizaines de rangées de cage, des bâtiments, des volières, contenant des dizaines de milliers de faisans et de perdrix.
– Les oiseaux reproducteurs, faisans et perdrix, sont maintenus dans ces centaines de cages grillagées qui s’étendent à perte de vue.
– Ces oiseaux tentent en vain de prendre leur envol et se heurtent au filet qui referme leur cage tandis que leurs pattes reposent sur un sol grillagé.
– Des oiseaux reproducteurs sont emprisonnés dans ces cages : libres, leur territoire s’étendrait sur plusieurs hectares. Cette promiscuité forcée rend les agressions inévitables : pour en limiter la gravité, un couvre-bec ou un anneau est fixé sur les becs. Pour certains de ces dispositifs, il est nécessaire de percer la cloison nasale des oiseaux.
– Dans ces cages, certains oiseaux se coincent la tête dans le passage dédié aux oeufs, on en trouve à l’agonie, d’autres morts.
– Dans un bâtiment fermé, de jeunes faisans, anneaux fichés dans le bec, sont élevés par centaines dans un milieu totalement étranger à celui qu’ils découvriront une fois relâchés.
– La poubelle est remplie de cadavres ».
En somme, ces animaux sont condamnés dès leur 1er souffle. En effet, ils vont souffrir de la captivité et des conditions de détention ponctuées par des actes de mutilation, un enfermement, des cages inadaptées etc. Sans compter que pour finir, ils ne seront finalement pas adaptés à la liberté en ce que la majorité est peu farouche, ne sait pas se nourrir ce qui les conduit à s’approcher des bords de route pour finir écraser et sans savoir comment se garder des prédateurs. Il est aisé de faire le lien avec l’obsession des chasseurs sur l’abatage des prédateurs comme les renards. En effet, ces animaux lâchés sont un investissement qu’il faut préserver et qu’un renard s’en nourrisse est un gain perdu.
Par ailleurs, l’élevage de ces animaux pose un problème génétique car il menace la souche sauvage mais pose également un risque sanitaire : ces animaux d’élevages gavés aux antibiotiques transmettent des maladies aux derniers individus sauvages.
Pour les chasseurs, les soi-disant premiers écologistes, élever, lâcher et tuer constitue la gestion de la faune à laquelle ils sont si attachés. La justification de cette activité par le besoin de régulation de la faune sauvage est un leurre qui est aujourd’hui avéré. Les chasseurs insistent sur la nécessité d’élever puis de lâcher plus d’animaux notamment pour favoriser la reproduction des faisans dans la nature. Comme assure Thierry Coste « Notre rêve est en fait de cesser ces lâchers. L’objectif est de compenser les pertes de biodiversité dues à l’agriculture intensive qui morcelle les territoires des espèces sauvages et tue les insectes, principale nourriture des oiseaux ». Nous parlons bien de ces animaux qui ne sont pas aptes à vivre en liberté et donc ne peuvent assurer l’avenir de l’espèce.
En conclusion, le discours lénifiant des chasseurs est un leurre, une construction propagandiste pour justifier un loisir lâche par des contre-vérités : La soi-disant régulation dont ils auraient la charge n’est en fait que l’accroissement d’un dérèglement des équilibres naturels où pour la plupart, ils chassent des animaux élevés à la seule fin d’avoir la satisfaction d’avoir quelques bêtes à mettre dans leur gibecière après leur promenade meurtrière. Les battues administratives pour protéger l’agriculture dont ils s’enorgueillissent, reviennent à massacrer le surplus d’animaux (par exemple des sangliers) qui ont été élevés pour être la chair à chasseur des réserves de chasse… Paradoxe des paradoxes, l’intox ne doit plus faire illusion. Depuis longtemps chasser n’est plus une nécessité, ce n’est plus que le simulacre d’une tradition inutile et vaniteuse, une posture de ball-trap où les pigeons d’argile sont remplacés par des faisans d’élevage.